Hommage à Berthe et à Alfred WEIL-LEVY et leur famille

Photographie de Berthe et Alfred Weil-Levy le 17.9.1921. par Robert, le frère de Berthe Levy, l’année de leur mariage.

Alfred Samuel Weil est né le 17 août 1891 à Genève. Ses parents s’appelaient Gabriel et Pauline Weil, née Woog. La famille Woog avait depuis 1842 des magasins de ventes d’Antiquités et d’Art à Berne et à Lucerne. Gabriel tenait un magasin de chaussures « La Rationnelle » à Rive où il a habité avec sa famille.

Portrait de Pauline Weil-Woog, Pastel sur papier, 1886, peint par Charles-Edouard de Boutibonne, peintre français (1816-1897), Collection de Mme Anita WEIL-BENADOR


Magasin de chaussures élégantes « La Rationnelle ». rue de Rive

Alfred avait un frère Fernand et une soeur Jeanne qui s’est mariée avec Charles Klein. Ils eurent trois enfants Pierre, Denise et Simone (jumelles) lesquelles se sont mariées et établies dans l’Est de la France. Après la guerre, toutes deux veuves de guerre de leurs premiers maris décédés. Pierre a épousé en 1947 Fanny Marx, fille de Lucien Marx, boucher casher à Genève. Ils ont eu deux enfants, Françoise et Bertrand. Pierre avait dû interrompre ses études prématurément suite à des difficultés financières de ses parents et rentrer tout au bas de l’échelle à la Banque de France. Après avoir été prisonnier de guerre, il entreprit des Etudes de Sciences Politiques qui le menèrent par promotion interne à gravir les échelons jusqu’à devenir directeur de la Banque de France, succursale de Montauban où il décéda prématurément en 1962.

Les ateliers de l’usine Balsan

Alfred Weil était représentant pour une maison provençale d’huiles alimentaires et produits dérivés. Il a travaillé à Paris puis à Salon-de-Provence jusqu’aux années difficiles de la guerre, moment où la famille s’est regroupée, en partie à Genève. Leur fils Raymond, ayant vécu un certain temps à Bâle, y a rejoint plus tard ses parents. Alfred fut pendant de nombreuses années après la guerre représentant d’une maison de tapis qui existe toujours: « Balsan ». Il était très actif au sein de la Communauté Israélite de Genève, comme son père Gabriel l’avait été auparavant. Sa distinction en tant que Consul de Bolivie, lui a donné l’occasion de beaucoup voyager, notamment en Espagne dont il parlait la langue.

Il s’est marié, en décembre 1921, avec Berthe Levy, bâloise. Celle-ci était née le 26 aôut 1900. Sa mère s’appelait Juliette et son père Eleazar dit Léon Levy. Son grand-père Benjamin Levy et sa grand-mère Basilide Wahl. Elle avait quatre frères, Louis, Gabriel, Robert et Henri. Louis est décédé très jeune, à l’âge de 22 ans, de la grippe espagnole à Paris.
Claude et Pierre Levy sont les fils de Robert et Carmen, née Corbeau, établis l’un à Bâle et l’autre en Israël. La famille de Berthe était, elle, originaire d’Alsace et de Lorraine. Les Communautés juives dans toute la vallée du Rhin étaient essentiellement rurales. En effet, les juifs ayant l’interdiction de vivre en ville, s’installaient dans les villages et bourgs alentours. Le père de Berthe était négociant en vin à Bâle. Très attachée à la Tradition juive, la famille observait le Chabbat et les Fêtes. Berthe et Alfred eurent deux enfants, Madeleine et Raymond, espacés de quatre ans. Au milieu des années 1930, ils s’étaient installés à Salon-de-Provence, pour raison professionnelle et c’est là, que Madeleine fit connaissance de Jacques Lang, d’origine genevoise également. Ils se sont mariés en avril 1941 puis s’établirent à Nice et ses environs, encore en zone libre. Berthe a été alertée par son frère Robert depuis Bâle de l’arrivée imminente des Allemands dans la zone libre grâce à un langage codé. Leurs voisins Mr et Mme A. étaient allemands. Robert dit à sa soeur « Les A. vont venir vous rendre visite bientôt !!!! » Toute la famille s’organisa pour quitter rapidement la région et se regrouper à Genève * ce qui fut facilité par la double nationalité de chacun d’eux.

Alexandre Safran

Berthe avait le sens de la famille, des traditions culinaires juives qu’elle a transmises, de l’entraide et de l’amitié, elle, qui aurait voulu faire des études de Droit, alors qu’à l’époque, les femmes n’accédaient que très rarement à des études et des carrières universitaires.
Elle était membre active de l’Association de Bienfaisance « Les Filles d’Esther ». Chaque semaine, avec d’autres dames, elles se retrouvaient à la « Maison juive », rue St-Léger, pour « l’Ouvroir » où elles s’adonnaient à des travaux d’aiguille en vue de la vente annuelle destinée au Service Social de la Communauté (pour l’anecdote, les dames rachetaient souvent l’ouvrage qu’elles avaient mis des semaines à finaliser !).
Monsieur le Grand-rabbin Safran et son épouse leur faisaient l’honneur de participer régulièrement à l’évènement. Le couple harmonieux de Berthe et Alfred développait un grand sens de l’amitié et des relations humaines, empreintes d’humour et de convivialité. Notre petit-cousin, Claude Levy se souvient de l’humour d’Alfred et de ses qualités à taquiner gentiment son épouse Berthe, lors des repas de famille en présence de ses parents, au « Schützengraben » à Bâle où ils habitaient et qui représentaient pour lui un vrai plaisir ! Berthe et Alfred étaient toujours les bienvenus chez les Levy à Bâle. Il se rappelle également comme sa tante Berthe chantait à haute voix quelques passages du « Benschen » ** lors des repas familiaux.

Le bon Kougel, dessin d’Alphonse Levy, site du Judaïsme alsacien

Alfred et Berthe recevaient beaucoup d’amis chez eux. La musique, le violon joué par Alfred et le piano par Berthe, en duo, accompagnait leur vie familiale, sans oublier d’être proches de leurs petits-enfants, Diana et Anita, filles de Raymond et d’Eliane et de Fernand et Mireille qui vivaient à Strasbourg, avec leurs parents, Madeleine et Jacques. Un domaine particulièrement vivant dans notre souvenir et qui nous relie, nous, leurs petites-filles, est la transmission culinaire que notre Mamie s’attachait à nous inculquer. Tout repas de Fête juive commençait par un bouillon de « Matzeknepflich*** » et continuait par des plats plus roboratifs et typiques de la cuisine ashkénaze, tels que le « Kuggel aux poires**** » et /ou « La carpe verte à l’alsacienne ».

Butterkuche

A l’heure du thé, régulièrement partagé avec ses amies, sur une petite table ornée d’une nappe et des serviettes (de l’Ouvroir), le « Butterkuche »***** trônait, tel une délicatesse. Quant à Mireille, elle garde un souvenir ému des « Truites au bleu » que sa Mamie préparait, sans omettre de préciser qu’elles venaient du « Lac de Genève », tout comme la féra affectionnée par son gendre qu’elle complétait d’un gratin de cardons ! Alors que Papi Frédy emmenait les Strasbourgeois en croisière sur les « Grands Bateaux – Flotte Belle Epoque » de la CGN (Compagnie Genevoise de Navigation) pour admirer les paysages alentours et avec le Jet d’eau majestueux, jamais loin, comme prouesse technologique !

Nos grands-parents ont maintenu jusqu’à leur disparition un lien fort entre les membres de la famille, puisque même notre petite-cousine Françoise Klein-Lamm venant lors ses vacances d’été, a gardé le souvenir de ces thés et de cette convivialité chaleureuse. A l’âge de la retraite, Berthe et Alfred eurent la joie et la fierté de voir leur fils Raymond, horloger, créer et diriger son entreprise « Raymond Weil S.A. », laquelle prendra son envol jusqu’à l’international, ce qui les comblèrent.

* L’entrée en Suisse s’est faite par la traversée du « Foron » à la hauteur d’Annemasse.
** Prière de remerciement à l’Eternel chantée à la fin du repas.
*** Boulettes de pain azyme pochées dans le bouillon.
**** Gâteau – pudding fait avec de la farine, des oignons et de la graisse de rognons de veau, cuit très longtemps au four, jusqu’à l’obtention d’une croûte et accompagné souvent de fruits, tels les poires.
***** Gâteau au beurre comme l’indique son nom, parfumé à la cannelle.

Texte de Mireille Israël-Lang, Françoise Klein-Lamm, Diana Bernheim et Anita Weil-Benador.
Photo de Robert Levy.

© patrimoine juif genevois – juin 2021